Coire

Lieux

Eglise Saint-Martin

L’église Saint-Martin a été reconstruite en 1491 dans le style gothique. En 1523, le Conseil de la ville fait appel à Johannes Comander, de Maienfeld, pour le service de l’église. Il y célèbre pour la première fois, en 1525 probablement, la Cène selon le rite protestant. Après la promulgation des « articles d’Ilanz » en 1526, et au plus tard dès l’année suivante, la Réforme est établie dans toute la ville de Coire, à l’exception du quartier épiscopal. On enlève de l’église les autels, les ornements, les vêtements et les bannières liturgiques. Le maître-autel restera encore jusqu’en 1529. Les très belles stalles sont demeurées intactes.

A gauche de l’église passe la Comandergasse, où Johannes Comander avait son domicile. Au 12 de la Kirchgasse se trouvait l’« Antistitium », résidence du premier pasteur de la ville, et qui est aujourd’hui encore la cure du pasteur de Saint-Martin. Dans la maison voisine, l’actuelle salle de réunion est ornée de scènes peintes datant de 1600 environ, qui lui ont donné son nom : la « salle des Lièvres » (« Hasenstube »). Le motif principal représente en effet un « monde inversé », cher aux artistes de la Renaissance, où dix lièvres emmènent en un cortège triomphal un chasseur et ses chiens.

Eglise Sainte-Régula

La première église du IXe siècle a été reconstruite dans le style gothique avant 1500. Les peintures murales de 1504 ont été recouvertes après la Réforme, puis dégagées en 1968 seulement. En 1526, le curé Johann Brunner, fermement attaché à Rome, est destitué. Johannes Blasius, probablement originaire du Val Müstair, auteur avec Comander du catéchisme grison (1538), y est pasteur de 1530 à sa mort en 1550. Il a pour successeur Philipp Gallicius, lui aussi originaire du Val Müstair, auteur de la Confession Rhétique (1552/1553).

Couvent de Saint-Nicolas

En 1526, les couvents des Trois-Ligues sont placés sous la surveillance des autorités politiques. Le couvent de dominicains de Saint-Nicolas, dissous en 1538, fait place en 1538/1539 à une école latine, ancêtre de l’école cantonale. De 1539 à 1542, un des maîtres de l’école est Simon Lemnius, savant humaniste et bouillant polémiste, originaire du Val Müstair, auteur notamment d’une épopée sur les Grisons dans la Guerre de Souabe (« Raeteis ») et d’élégies amoureuses. En 1544, Comander parvient à empêcher son retour et à faire nommer à sa place le Zurichois Johannes Pontisella (†1574). Mais en 1545, l’intervention de Johannes Travers permet à Lemnius de recouvrer son poste à l’école Saint-Nicolas.

Parc (Stadtgarten)

A l’emplacement du parc actuel s’est trouvé durant 333 ans le premier cimetière protestant, ouvert en 1529 puis remplacé en 1862 par le cimetière de Daleu. Comander y est inhumé dans une sépulture anonyme, sans pierre tombale. Un petit escalier (« scaletta ») qui menait de la chapelle funéraire au cimetière a laissé son nom à la robe pastorale traditionnellement en usage dans l’église des Grisons.

Maison des Tailleurs

Au numéro 14 de la Kirchgasse se trouve la maison des Tailleurs, qui formaient une des cinq corporations de la ville. Dans les Trois-Ligues grisonnes se manifeste au cours du XVe siècle un mouvement de démocratisation. Les bourgeois de Coire s’émancipent de la tutelle de l’évêque et introduisent un régime corporatif.

Hôtel de ville

Mentionné pour la première fois dans la deuxième moitié du XIVe siècle, l’hôtel de ville est transformé peu après en hôpital. Un nouvel hôtel de ville est alors construit à côté, avec des halles. L’hôpital, l’hôtel de ville et les halles sont détruits par l’incendie de la ville en 1464. Au-dessus de l’actuelle entrée, sur la Reichsgasse, est inscrite la date 1525, mais la salle du Conseil était déjà achevée en 1494. Coire est le chef-lieu de la Ligue de la Maison-Dieu (une des trois ligues qui forment les Grisons), et le Conseil de la ville joue un rôle décisif dans l’affaiblissement des droits seigneuriaux de l’évêque. Les halles, de 1540, servent à la fois de lieu de vente pour les marchands et de passage pour le commerce de transit.

Cathédrale et Saint-Lucius

Le bastion épiscopal s’élève à l’endroit où se trouvait déjà un site habité à l’Age du Bronze, puis un castrum romain tardif. C’est en 1170 que les évêques de Coire reçoivent de l’empereur le titre de princes d’Empire. La cathédrale est dédiée à l’Assomption de la Vierge. Au-dessus de la cathédrale, l’église catholique Saint-Lucius abrite des reliques de ce saint. En 1524, la pression du mouvement d’autonomie communale dans les Trois-Ligues oblige l’évêque Paul Ziegler à quitter la ville et à résider pour les seize années à venir dans son château de Fürstenburg, dans le Val Venosta.

Eglise Comander

C’est le seul temple réformé de Coire construit comme tel. Il a été consacré le jour de la Réforme 1957, à l’occasion du 400e anniversaire de la mort de Comander.

Histoire

Au IVe siècle déjà, Coire devient le siège du premier diocèse créé au nord des Alpes. Construits plus tard, la cathédrale et le château épiscopal occupent un plateau rocheux au-dessus de la vieille ville, le « Hof ». Les Trois-Ligues (Ligue de la Maison-Dieu, Ligue Grise et Ligue des Dix-Juridictions) constituent, dans l’actuel canton des Grisons, un Etat libre qui s’est formé peu à peu au cours du XIVe siècle, notamment pour faire obstacle au pouvoir de l’évêque. Après l’incendie de la ville en 1464, l’empereur Frédéric III octroie aux bourgeois de Coire une autonomie presque complète. De fait, le pouvoir passe aux cinq corporations récemment créées ; la base de la réforme ecclésiastique est ainsi déjà posée.

En 1523, le Conseil de la ville fait venir de Maienfeld Johannes Comander pour le service de l’église Saint-Martin. Un prédicateur ouvert aux idées nouvelles, Jakob Salzmann, a déjà été à l’œuvre à Coire, et même dans l’entourage de l’évêque, on n’est pas opposé à des réformes. Avec les articles d’Ilanz, de 1524 et 1526, les Trois-Ligues, en tant qu’Etat autonome, se donnent leurs propres lois ecclésiastiques. Les premiers articles dénoncent les abus qui sévissent dans l’Eglise. Les seconds sont plus intransigeants, en restreignant notamment les prérogatives de l’évêque. Les droits seigneuriaux passent ainsi aux communes, qui seront désormais libres de nommer et de destituer les desservants de leur église.

A la suite de la promulgation des articles d’Ilanz, la Réforme est introduite à Coire en 1527 par décision du Conseil. On fait enlever de l’église Saint-Martin les autels, les ornements, les vêtements et les bannières liturgiques. Le maître-autel restera encore jusqu’en 1529. Les stalles, artistement sculptées, sont demeurées intactes. L’établissement de la Réforme dans les Trois-Ligues progresse, plutôt pacifiquement, grâce notamment à la liberté garantie à chacun, homme ou femme, de choisir sa confession. Il se forme donc des communes paritaires au sein desquelles, plus tard, dans le contexte de radicalisation confessionnelle, surgiront de violents conflits.

En 1537, la Diète des Trois-Ligues crée le Synode rhétique afin de consolider l’institution ecclésiastique protestante sur les deux versants des Alpes. En tant qu’assemblée de tous les pasteurs réformés, le Synode existe encore. Il se réunit chaque année dans une autre commune. La Confession Rhétique, rédigée par Philipp Gallicus en 1552/1553 donne aux réformés des Trois-Ligues et des pays sujets (Chiavenna, Valteline, Bormio) une confession de foi commune et un règlement pour le Synode et les cultes. En 1566, la Deuxième Confession Helvétique de Heinrich Bullinger vient compléter la Confessio Raetica.

Johannes Comander

Fils d’un chapelier de Maienfeld, Johannes Dorfmann (1484-1557), dit Comander, fréquente l’école abbatiale de Saint-Gall puis l’Université de Bâle. A Saint-Gall, il fait la connaissance de Vadian, le futur réformateur, et à Bâle celle de Zwingli. Il est nommé vicaire à Escholzmatt (LU) en 1512, puis curé en 1521. Le Conseil de la ville de Coire fait appel à lui en 1523 pour le service de l’église Saint-Martin. Ses prédications le font vite connaître comme un propagateur de la Réforme. Lors de la dispute d’Ilanz, en 1526, il présente dix-huit thèses qui deux ans plus tard serviront de base aux thèses de la Réforme bernoise.

Comander devient en 1537 le premier président du Synode des Trois-Ligues. En 1538, il rédige avec Johannes Blasius le premier catéchisme grison, et en 1545 le règlement de l’église de Coire. Il fonde en 1539 l’école latine de Saint-Nicolas. Grâce à l’appui de Heinrich Bullinger, il réussit, avec la Confession Rhétique de 1552/1553, à intégrer les vallées méridionales dans le Synode.